C’est une belle surprise qui attend Elsa alors qu’elle fauche une prairie à l’extrémité est de la ferme : plus de 30 pieds d’une étrange fleur rouge-bordeaux émergent d’entre les herbes hautes, ne ressemblant à rien de connu sur la ferme ! Une petite vérification sur iNaturalist : il s’agit d’une orchidée, le Sérapia à lamelle allongé (Serapia vomeracea), apparue dans cette prairie qui, il y a six ans encore, était un champ de maïs. Il s’agit en effet d’une des parties de la ferme qui n’a été reprise que récemment et est encore en bail précaire. Si l’espèce est assez fréquente plus au sud, elle est très rare dans la Drôme, qui se trouve en limite nord de son aire de répartition ! On en compte quelques stations isolées dans le sud du département et le long du Rhône, une grosse station à Portes-lès-Valence, une ou deux stations sur les contreforts du Vercors, et c’est tout ! Comment et pourquoi est-elle arrivée là ? La magie de la dispersion des graines par le vent et de la rencontre avec une prairie à la fois humide et ensoleillée, ce qui convient à cette espèce. L’eau, toujours l’eau. Ce qui permet de nombreuses espèces de réapparaître sur la ferme après quelques années seulement. Ont probablement également été favorables à cette apparition : l’alternance de pâturage et de fauche, et bien sûr, la localisation au sein du couloir rhodanien, axe venté orienté nord-sud, couloir de dispersion idéal. Ce sérapia est connue pour attirer plusieurs abeilles solitaires, en particulier les Eucera, ces abeilles aux longues antennes qui sont répandues sur la ferme, qui viennent passer la nuit à l’abri de leur labelle et contribuent ainsi à les polliniser au passage.
Une autre espèce d’orchidée nouvelle pour la ferme avait été observée une semaine plus tôt par Maxime dans une autre prairie, l’Orchis pourpre (deux pieds). Celle-ci est beaucoup plus répandue dans la Drôme et en France en général. Avec ces deux nouvelles espèces, la liste d’orchidées de la ferme se porte à six espèces. Les quatre autres sont des espèces très communes : l’Orchis pyramidal, l’orchis bouc, l’orchis géant et l’ophrys abeille.
En tout, 412 espèces de plantes vasculaires ont été répertoriées sur les 50 ha de la ferme, dont quelques dizaines ont été introduites ou plantées : arbres, plantes aquatiques dans les mares, cultivars échappés des cultures. Chaque année, de nouvelles espèces font leur apparition, favorisées par les nouveaux habitats. Cette diversité, en plaine agricole, est remarquable. Pour les curieux, la liste complète peut être visualisée ici : https://reensauvagerlaferme.fr/atlas/liste/542871
