Nous avons déjà évoqué l’attractivité de la ferme pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs en halte migratoire. Ce rôle est essentiel car, dans la longue course qui mène certains oiseaux de l’Afrique jusqu’à la Scandinavie, la diminution de l’offre en sites de halte migratoire de qualité en Europe de l’Ouest est un facteur de déclin des populations.
Pour certains oiseaux migrateurs âgés d’un an, la recherche de sites de nidification se produit à deux moments : après la naissance, lors de la dispersion postnatale ; et au retour de la migration, si les sites visités après la naissance s’avèrent trop fréquentés, ou si par exemple ils ne sont pas parvenus à les retrouver, ou s’ils en trouvent par hasard un meilleur en route.
Le Grand Laval est parfois fréquenté par de tels explorateurs. Ce fut le cas en 2021, lorsqu’un Elanion blanc s’est installé sur la ferme et qu’il a été rejoint, après quelques mois, par une femelle, avec qui il s’est finalement reproduit. Ces « propagules » ne reviennent pas toujours l’année suivante, ils sont des pionniers en mouvements, des nomades avant l’implantation.
Au cours de ce printemps, nous avons croisé la route de tels explorateurs. Un Rollier d’Europe s’est ainsi brièvement arrêté sur la mare le 1er mai. Il est ici au delà de son aire de répartition habituelle, mais il s’agit d’une espèce qui s’étend progressivement vers le nord. Ce n’est pas la première fois qu’un individu visite la ferme : nous avons l’intention de lui proposer quelques nichoirs pour le convaincre lors de ses prochaines visites.
Autre visiteur inattendu : une Rousserolle turdoïde – un passereau peu courant des roselières – a chanté pendant près d’une semaine début mai le long du petit marais. L’espèce n’avait jamais été observée sur le site. Il n’y a pas de roselière suffisamment importante pour l’accueillir, mais dans un contexte de restauration écologique, cela signifie que l’espèce est une colonisatrice potentielle si des milieux qui lui conviennent sont favorisés.
Terminons avec une anecdote. Dans le cadre d’une étude sur la migration des oiseaux à travers la Méditerranée, plusieurs Coucous-geais ont été équipés de balises GPS en Camargue cette année. L’un d’eux, en photographie ici, un adulte capturé autour de l’étang de Scamandre dans le Gard le 26 avril, est monté explorer la drôme au début du mois de juin, probablement après avoir échoué à se reproduire. Il a d’abord stationné autour de Saint-Maurice-sur-Eygues, sur une exploitation viticole traversée de grandes haies, puis est monté dans l’Isère, où il a séjourné à Marcilloles (sur une zone en friche) et à Jarcieu (dans une zone d’arboriculture / pépinière), avant de redescendre vers la Camargue en longeant le Rhône, puis en coupant par l’Ardèche à partir du Pouzin. Il a désormais débuté sa migration vers le sud et se trouve en ce moment en Espagne. L’anecdote qui nous concerne, c’est qu’il a exactement survolé la ferme du Grand Laval, sans s’y arrêter, en longeant assez précisément le Canal de la Bourne. Deux conclusions à cela :
- les cours d’eau, même artificiels, sont des axes structurant lors des déplacements des oiseaux (cela n’est pas nouveau) ;
- Le Coucou geai ne s’est pas arrêté au Grand Laval : il manque probablement d’arbres assez hauts pour lui. pourtant, nous avons quelques pies, qu’il aime parasiter (il pond ses oeufs dans les nids de pie). Il est si difficile de comprendre ce qui peut convenir à un oiseau qui recherche probablement un faisceau de critères pour identifier le site qui lui sera propice !