La Marouette ponctuée a niché au Grand Laval !
août 01, 2024

Il est des oiseaux particulièrement « mythiques » pour les ornithologies. La Marouette ponctuée est l’un d’eux. Ce petit rallidé (famille des foulques, poules d’eau, râles) extrêmement discret ne se montre qu’aux observateurs les plus patients, lorsqu’il sort se nourrir au petit matin sur une vasière en bord de roselière. La Marouette ponctuée niche de manière très disparate et localisée en France, mais sa discrétion est également une raison du faible nombre de sites connus : ce sont principalement dans les grands marais et les plaines inondables qu’on la trouve. La population française est estimée à quelques centaines de couples nicheurs, et est considérée comme « Vulnérable » sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France. L’espèce est protégée est inscrite sur l’Annexe 1 de la directive oiseaux. Il est certain que l’espèce a décliné en même temps que les zones humides. Elle apprécie les prairies faiblement inondées, les queues d’étangs et les marais à végétation dense, peu praticables. Elle peut nicher à une certaine altitude, comme sur les narses du Cantal.

Dans la continuité du travail mené autour de l’eau sur la ferme depuis deux ans (création d’une douzaine de nouvelles mares, de lones, réouverture d’un cours d’eau busé avec aménagements castor-mimétiques), Elsa et Sébastien ont permis l’inondation d’environ 1 ha de prairie en travaillant sur les nivellements du sol – aidés en cela par la pluviosité importante cette année – en connexion avec le ruisseau réouvert. Une végétation aquatique abondante s’y est développée (en particulier Veronica becabunga, Veronica anagalis-aquatica, Alisma plantago) parmi les poacées et les Rumex. La zone a été largement colonisée par les Crapauds communs cette année, avec des dizaines de milliers de tétards présents. Les Agrions de mercure et les orthetrums s’y plaisent particulièrement. Côté oiseaux, la Cisticole des joncs y a niché cette année et pas moins de trois nichées de Canards colverts se sont succédées. Une petite ouverture dans la végétation est surveillée à l’aide d’un piège photographique, ce qui permet de détecter les oiseaux migrateurs en halte tels que les Chevaliers culblancs ou les Hérons pourprés.

C’est en examinant les données du piège photo le 25 mai que nous avons la joie d’y découvrir le passage d’un adulte de Marouette ponctuée dix jours plus tôt, le 16 mai. A cette époque tardive, la possibilité d’une nidification est à envisager. Il peut aussi s’agir d’un oiseau en migration ou en déplacement, car des mouvements migratoires sont notés durant tout le mois de mai par les réseaux d’enregistreurs automatiques déployés par les ornithologues à travers la France pour étudier la migration nocturne des oiseaux. Par conséquent, fin mai, Sébastien effectue plusieurs écoutes nocturnes, sans succès. Mais le 1er juin, un nouvel éclair furtif passe devant le piège photo, et il semble bien s’agir d’une juvénile de marouette. Mais la buée masque l’objectif et nous ne pouvons pas être sûrs. Trois pièges photos sont placés en quadrillant le secteur et le 7 juin, nous observons avec certitude une jeune Marouette ponctuée sur l’un d’eux. Par la suite, connaissant mieux leurs habitudes, nous les détecterons presque quotidiennement durant près de trois semaines : 2 juvéniles sont nés sur la ferme. Aucun adulte n’a été revu suite à l’observation du 16 mai : il est probable qu’ils désertent rapidement le site de nidification une fois les jeunes émancipés. Les données des pièges photos nous ayant indiqué les habitudes horaires des oiseaux, nous avons pu les observer à plusieurs reprises et les photographier. Après le 28 juin, nous n’avons plus aucun contact des deux juvéniles, probablement parties explorer d’autres zones humides pendant leur phase de dispersion post-natale.

Cette reproduction sur la ferme du Grand Laval est un réel événement ornithologique local : il s’agit de la première reproduction connue de mémoire d’ornithologue dans le département de la Drôme. Elle nous apprend également plusieurs choses :

-malgré la pression d’observation relativement importante sur la ferme, nous serions passés à côté de cette reproduction sans les pièges photo, ce qui donne une idée de ce qui passe inaperçu dans certains grands marais ;

-un petit aménagement, sur 1 ha, peut suffire pour accueillir cette espèce ;

-les fermes peuvent être des hotspots de biodiversité – mais ça, vous le saviez déjà !

Espérons qu’elles reviennent l’année prochaine !

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