Les papillons du Grand Laval : premiers résultats
décembre 13, 2023

L’exploration du vivant sur la ferme du Grand Laval est constituée de deux grands volets : la recherche de toute la diversité des organismes que l’on trouve sur la ferme et l’enquête sur leurs liens avec les activités agricoles d’une part ; la réalisation de protocoles permettant de contextualiser les communautés présentes sur la ferme d’autre part.

L’un des groupes les plus spectaculaires et les plus abordables est celui des papillons de jour, de leur nom officiel « Rhopalocères ». C’est le groupe des papillons à antennes (cère) en massue (rhopalo). On parle aussi de « Papilionoidea ». Il s’oppose au groupe des « Hétérocères », qui concerne les papillons dits « de nuit », mais dont un certain nombre d’espèces sont également diurnes, histoire de faciliter les choses.

1- L’exploration de la diversité de la communauté des rhopalocères

Elle donne des résultats intéressants : pas moins de 66 espèces ont été observées à ce jour, ce qui pour une zone agricole de plaine est élevé. Cela ne constitue pas moins de 75% des espèces connues en plaine de Valence – mais seulement 37,5% des espèces du département : beaucoup sont en effet inféodées au Vercors (pelouses calcaires et montagne), et d’autres à la Drôme provençale.

Les espèces les plus originales trouvées sur la ferme sont la Carte géographique (seule mention au sud de la rivière Isère depuis 2015), le Marbré de Cramer (unique donnée en plaine de Valence), l’Azuré de l’ajonc (très peu de données en plaine de Valence), le Pacha à longue queue (idem).

A l’inverse, si la plupart des 22 espèces connues en plaine de Valence mais non trouvées à ce jour sur la ferme sont rares, certaines absences interrogent : celle de l’Hespérie du dactyle, du Bleu-nacré d’Espagne, de l’Azuré des cytises, de l’Azuré du genêt voire de l’Azuré du serpolet, présents dans des milieux peu différents en plaine.

2- Les suivis protocolés

Des comptages le long de transects ont été effectués chaque mois d’avril à août selon le protocole du STERF (Suivi Temporel des Rhopalocères de France). En 2022, 11 transects ont ainsi été effectués à cinq reprises sur les parcelles de la ferme dite « historique » (reprises en 2006). Dans le cadre du stage de Melvyn Guillot-Jonard, ils ont été complétés en 2023 par 11 transects sur les parcelles en fermage reprises plus récemment (dans les années 2015-2020) et dans les parcelles reprises en 2022, qui étaient en conventionnel jusque-là. Cela permet de comparer l’effet du modèle de polyculture élevage du Grand Laval sur les papillons en fonction de sa durée de mise en œuvre, et aussi de le comparer avec les autres relevés STERF menés ailleurs en France avec le même protocole.

La figure ci-dessous nous indique que les cortèges présents sur les parcelles de la ferme reprises en 2006 sont nettement plus riches. Ils sont non seulement plus riches que sur les autres parcelles de la ferme, mais également plus riches que la moyenne des transects réalisés ailleurs en France, et même en se limitant au quart sud-est de la France ! Par contre, les zones reprises en 2022 sont extrêmement pauvres : c’est bien de là que l’on part. La comparaison de l’abondance en papillons apporte à peu près les mêmes résultats : les 17 ha repris en 2006 accueillent significativement plus de papillons que la moyenne des autres sites suivis dans le cadre du STERF en France et dans le sud-est.

L’espèce la plus commune sur la ferme est l’Azuré commun (Polyommatus icarus), une espèce qui apprécie particulièrement les cultures de luzerne. Elle est suivie par le Fadet commun (Coenonympha pamphilus) et le Souci (Colias croceus), ce dernier notamment du fait de sa présence sur une longue partie de l’année.

Il est encore trop tôt pour savoir si certaines des espèces qui déclinent au niveau national augmentent au contraire sur la ferme. On relèvera toutefois la présence en particulier de l’Azuré de la faucille (Cupido alcetas), que l’on observe régulièrement sur la ferme, et qui est l’une des espèces dont le déclin est le plus marqué au niveau national (-60% entre 2006 et 2020). Cette espèce peut pourtant bénéficier des espèces cultivées : les plantes hôtes de sa chenille sont des légumineuses telle que la Vesce cultivée (semée sur la ferme) ou le Lotier corniculé (très présent dans le verger). Sachant que l’indice des papillons de prairie va être le principal indicateur de biodiversité utilisé pour évaluer le volet agricole la loi européenne sur la restauration de la nature, le suivi de ce groupe sur la ferme revêt un enjeu tout particulier !

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