Cette semaine, une étude internationale coordonnée par Stanislas Rigal et Vincent Devictor, chercheurs à l’institut des sciences et de l’évolution de Montpellier, a compilé les données relatives à l’évolution des populations d’oiseaux à l’échelle européenne, et, élément nouveau, a cherché à établir des causalités directes.
Les résultats sont sans appel : l’agriculture intensive est la première cause de déclin des oiseaux, notamment du fait de l’usage des pesticides et des fertilisants, et des modifications du paysage conséquentes. Et les oiseaux des milieux agricoles ont décliné de 56% depuis 1980, soit beaucoup plus que les oiseaux habitants d’autres milieux. C’est également plus que les espèces des milieux froids, pourtant touchées de plein fouet par le changement climatique, et plus que les effets liés à la destruction des habitats par l’urbanisation (pourtant également élevés, rapporte l’étude). C’est dire. En France, le déclin des oiseaux agricoles se mesure depuis moins longtemps : c’est probablement la raison pour laquelle il n’est « que » de 30% environ (en 20 ans). Le gros de l’effondrement a eu lieu lors des remembrements agricoles et des débuts de l’agro-industrie.
Si l’on veut continuer à entendre le chant des alouettes, les gazouillis des linottes et se réjouir du retour des hirondelles, les pratiques doivent évoluer d’urgence. Cela passe par l’agriculture biologique, et plus encore : des systèmes pensés pour être à la fois productifs et hospitaliers pour le vivant. De plus en plus de paysan-nes s’y essaient. Des réseaux s’organisent, comme ici dans la Drôme, celui de fermes paysannes et sauvages.
Et les résultats sont là. Sur la ferme du Grand Laval, Sébastien Blache avait recensé l’ensemble des couples nicheurs de tous les oiseaux sur les 17 ha historiques de la ferme, lorsqu’il l’a reprise en 2006 (recensement reproduit en 2007). En 2022, nous avons réitéré le même recensement, et il est en cours en 2023.
Les résultats sont parlants et encourageants. Si le nombre d’espèces présentes sur cet espace a augmenté entre les deux périodes, passant de 31 en 2006 et 36 en 2007 à 43 en 2022, c’est surtout l’abondance globale qui a augmenté : de 66 couples nicheurs toutes espèces confondues en 2006 et 2007, nous sommes passés à 145 couples en 2022, sur la même surface ! Les espèces qui ont été les plus favorisées sont celles qui sont liées aux haies et aux ripisylves. Le Rossignol philomèle est ainsi passé de 5-6 couples à 14 couples. La Fauvette à tête noire de 6 à 16 couples. La Fauvette grisette de 0 à 3 couples, l’Hypolais polyglotte d’1 à 4 couples, la Tourterelle des bois et le Tarier pâtre de 0 à 2 couples. Les espèces favorisées par les nichoirs ont également profité des aménagements : les populations de mésanges et de moineaux se sont démultipliées.
Le déclin des oiseaux des plaines agricoles est de -60% en Europe en 40 ans ; les populations d’oiseaux du Grand Laval ont augmenté de 100% en 17 ans. Difficile de ne pas y voir l’une des routes vers la solution.