Le mois de décembre est arrivé, et le moment est propice pour nous retourner sur cette année 2025, à travers plusieurs publications qui se suivront ces prochains jours et prochaines semaines.
L’association Réensauvager la ferme, c’est l’alliance et la cohabitation entre l’agriculture et la biodiversité, avec la ferme du Grand Laval comme principal exemple d’étude. Pour ce premier post, faisons un bilan de l’année agricole sur la ferme.
S’il a fait très chaud dans l’été, le printemps assez pluvieux a permis de recharger en partie les nappes et d’hydrater une partie des cultures au moment de leur croissance. Grâce aux petits débordements du Ru dans les prairies, nous avons eu une prairie inondée tout l’été sur la ferme, sur environ ½ ha. Mais la sècheresse était très visible cet été et de nombreuses mares ont été presque asséchées en août.

La ferme est passée entre les orages de grêle, qui n’ont pas épargné tout le monde, y compris dans le réseau des fermes paysannes et sauvages (FPS) dont fait partie le Grand Laval. Un hectare de sarrasin a d’ailleurs été semé sur la ferme une fois le colza moissonné, pour compenser un peu les pertes de Thomas, du réseau FPS, liées à la grêle.

Les grandes cultures ont produit, dans l’ensemble, des rendements dans la moyenne, sans intrants. La nouvelle moissonneuse batteuse de la Cuma a considérablement réduit le temps de moisson et avec une cabine, moissonner devient agréable. Cette année, c’est le tournesol qui occupait le plus d’espace (6 ha en tout). Le rendement s’est trouvé être maximal dans l’une des nouvelles parcelles de la ferme, au sol assez humide, dont la conversion en Bio vient de s’achever. Cinq tonnes de graines ont été vendues à la LPO et le reste va être pressé pour faire de l’huile. Comme chaque année, ces cultures attirent de nombreux pigeons ramiers qui nécessitent des effarouchements. Les Tourterelles des bois en profitent aussi beaucoup, ainsi que les moineaux. Puis, après la moisson, il reste de nombreuses graines au sol, et pendant plusieurs semaines, en automne, les groupes de pinsons, linottes, chardonnerets, verdiers, s’y régalent.

Pour la deuxième année de suite, du maïs a été cultivé sur la ferme : 1 ha en 2024, 2 en 2025. Les rendements sont assez faibles car il est très peu irrigué, mais la production est suffisante pour son objectif : intégrer la ration alimentaire des poules et des brebis de la ferme. Les apports nutritifs du maïs sont très élevés, et depuis que la ferme en produit, la ration des poules est améliorée (les animaux ne sont nourris qu’avec les productions de la ferme). Sous la canopée du maïs, qui dépasse 2 m de haut, de nombreuses plantes spontanées ont poussé, si bien que cet écosystème était loin d’être inhospitalier. Lièvres, perdrix, cisticoles, tariers, fauvettes s’y baladaient souvent. Maintenant que la moisson a eu lieu en novembre, les épis restés au sol nourrissent les oiseaux hivernants. On a même vu les pics verts et épeiche s’en délecter à la recherche des chenilles de pyrales qui s’y logent.
Une autre culture assez nouvelle pour la ferme, débutée en 2024, et également pensée pour l’autonomie des rations alimentaires des animaux, est le soja. Deux hectares ont été plantés cette année, le rendement était correct. Les récoltes sont livrées à la coopérative qui les toaste, afin d’être intégrées à la ration des poules et des brebis.
Pour les céréales à farine, les rendements ont été normaux cette année par rapport aux standards de la ferme (20 à 30 quintaux l’hectare), rappelons-le sans engrais : blé (0,8 ha), orge (1 ha), triticale (2 ha). Et il y a aussi les parcelles de méteil à destination de la ration des animaux.

Le succès de l’année a été du côté des légumes secs. La production de lentille a été très bonne, et celle des haricots, excellente. Les Haricots noirs sont particulièrement gouteux. Le couple d’Oedicnème criard s’est reproduit dans la parcelle de pois-chiches : la rythme de croissance de cette culture lui convient parfaitement car c’est généralement celle qu’il choisit.


En revanche, le colza n’a pas beaucoup produit cette année encore, mais on se console car les oiseaux en ont beauuuucoup profité. En effet, c’est autour du champ de colza que l’activité des oiseaux était maximale au printemps. C’est probablement sa présence (associée à une zone en forte densité de haie) qui a favorisé la nidification plus importante que d’habitude de Fauvettes grisettes, Hypolaïs polyglotte, Verdier d’Europe, et aussi la première nidification de la Linotte mélodieuse sur la ferme.

La ferme est sinon riche en fourrages pour le troupeau de brebis. Outre les prairies permanentes, plusieurs hectares de cultures de sainfoin et de luzerne leur sont dédiés. Le troupeau, de 120 brebis (Shropshire et noires du Velay), n’a pas eu de problèmes majeurs et la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine avait été anticipée malgré une ou deux contaminations fin 2024. Croisons les doigts pour la suite. Les agneaux ont été très beaux, une partie destinée à la viande, certains à la reproduction, et d’autres au renouvellement du troupeau de brebis. Un agnelage est en cours actuellement. Après 20 ans de pratique, l’alliance entre un savoir-faire paysan important, de beaux fourrages, des pâtures ombragées et l’aide précieuse de Geneviève, la maman de Sébastien, pour déplacer les parcs et nourrir les chiens, permet d’obtenir cette qualité. La zone humide a permis d’avoir de l’herbe verte tard en saison, et les nombreux arbres sont appréciés tant par les brebis que par les vaillants chiens de protection, lorsque le soleil tape. Aucune attaque de Loup n’a été signalée dans le secteur immédiat, mais Sébastien a observé un individu en plein jour traversant la ferme à la fin juillet, et une très probable crotte a été trouvée début septembre. Deux des chiens de protection, lassés de leur tâche, se sont offerts une petite vadrouille dans la campagne cet automne, ce qui a valu à León de passer un week-end à la fourrière.

Le troupeau est toujours accompagné par un âne, deux vaches et quelques chèvres roves : l’une a donnée naissance à un chevreau, dont le principal hobby était de s’échapper et suivre les promeneurs. Elle est partie poursuivre sa carrière dans une autre ferme cet automne.
Les (environ) 150 poules continuent de produire de beaux œufs de couleurs variées. Quelques dizaines de poulets sont également vendus à certaines périodes de l’année. Pour la première fois, un jeune Autour des palombes s’est intéressé aux poulaillers mobiles de la ferme, qui ne subissent sinon presque jamais de prédation. Les nombreux arbres du verger rendent la tâche difficile aux autres rapaces, et le renard et la fouine craignent les clôtures électriques. Mais surtout, ce sont les races de poules qui font la différence. En l’occurrence, aucune des poules expérimentées et au plumage terme (roux/gris/noir) n’a été prédatée : seules quelques jeunes poules blanches y sont passées. Les dindons, eux, contribuent davantage à l’ambiance sonore qu’à l’économie de la ferme, mais quelle grâce ! Nous leur avons toutefois dit au revoir cette semaine, ils partent eux aussi vivre une nouvelle vie dans le GAEC de l’arbre dans les Hautes-Alpes.
En termes de réalisation nouvelle pour la biodiversité, la prairie inondée a continué à gagner du terrain, et des zones ont été rajeunies pour favoriser la pose de limicoles, et en particulier des bécassines, qui font halte et hivernent sur la ferme. Une nouvelle grande mare a été créée grâce au partenariat avec l’Agglomération de Valence-Romans, sur l’une des nouvelles parcelles de la ferme, à Bramailles. Sur cette même parcelle, Elsa a planté quelques arbres pour débuter une haie, d’autres suivront. Quelques chênes ont également été plantés en bordure de la nouvelle parcelle du Guimand Nord.

Terminons par le verger, qui demande un effort considérable sur la ferme. Cette année, Hanna a été salariée pendant 4 mois, ce qui a procuré une aide importante et indispensable pour la récolte des fruits en particulier. Une réflexion est toutefois en cours pour alléger la charge de travail du verger, dont la période de récolte s’étend de mai à novembre, un travail répétitif et exténuant. Un rang de pêcher peu productif va être retiré l’an prochain, et plusieurs arbres vont également être progressivement coupés et non renouvelés. C’est cela, une ferme, une adaptation en permanence, et un ajustement en fonction des succès, des échecs, des fatigues, des envies et de la réalité économique. Cette année encore, la récolte d’abricots a été très mauvaise, hormis ceux qui ont poussé dans l’ancienne serre des maraîchers. Même chose pour les pêches, ce qui a généré des inquiétudes en matière de trésorerie, ces deux récoltes étant importantes pour la ferme. La récolte a été un peu en-dessous de la moyenne pour les pommes, un peu au-dessus pour les poires, mais très bonne pour les prunes et excellente pour les figues. Si de nombreux fruits ont été vendus frais, beaucoup sont transformés en compotes par T’air de famille, souvent associés aux rhubarbes également récoltées sur la ferme.

En plus de nous nourrir, le verger continue d’être l’un des hot spot de biodiversité sur la ferme. L’ensemble de cette ferme nourricière accueille également une diversité d’être vivants dont nous n’avions pas idée. Une richesse inouïe. Nous y reviendrons sur les prochains posts bilan 2025.



